J'ai connu des sentiers et des parcours difficiles, j'ai connu des jours difficiles, mais ce jour, c'est, il me semble, la première fois que j'ai failli abandonner et ne pas parvenir à l'objectif. Je connaissais la difficulté et l'importance du dénivelé (1200 + 150 pour la pointe de l'observatoire), mais je n'avais pas prévu la dureté de ce dénivelé, mais surtout, je ne pouvais supposer attraper le mal des montagnes à ce stade là ! Alors, voici le récit de ce qui au lieu d'être le sommet des vacances se transforme en pire cauchemar.

Tout débuta pourtant de fort bonne manière. Départ tôt, 9 heures, pour arriver au col pour le repas, avec uniquement un équipage masculin puisque devant l'importance du dénivelé, et la fatigue accumulée des jours précédents, les filles ont choisi de se balader le long du Doron de Chavière, en direction du Pont de la pêche, lieu de départ de notre randonnée, comme pour la balade au lac blanc.

Nous partons d'un pas certain pour rejoindre la ferme du Ritort (leur fromage et notamment la tome de Ritort sont excellents) dont la cheminée fume, ce qui donne une idée de la température qui doit faire le matin. Temps magnifique, ciel bleu ! Le glacier de Gébroulaz et les sommets de Polset et Peclet sont toujours aussi imposants au fond de la vallée de Chavière. Cela fait 45 minutes que nous marchons. De là, nous apercevons un petit monticule à franchir pour parvenir au plateau. On distingue dans les arbres, les zébrures dessinées par le sentier.

Il nous faudra une vingtaine de minutes pour gagner le plateau et pendant que nous nous désaltérons, nous profitons du panorama sur le mont blanc (au nord), le Glacier de Gebroulaz(au sud) sans oublier la vallée de la Chavière, et sa longue ligne droite. Devant nous, le glacier de Rosoire résiste tant bien que mal au réchauffement. Nous sommes tout près des sommets de la Vanoise avec La Pointe du Génépy (3551 m).

Plus loin, nous parvenons aux chalets de Rosoire, intersection qui permet de conduire au cirque du Génépi. Nous continuons tout droit en direction du col d'Aussois et là, nous apercevons le chemin à emprunter ! Gasp ! Faut avoir le moral pour partir à l'abordage. Et pourtant, la foule est assez nombreuse et de tout âge ! De là où nous nous trouvons, c'est 700 mètres de dénivelé à faire ! Le sentier passe sur la gauche de la pointe de la Rosoire (2774 m).

L'ascension peut débuter et selon votre forme, compter entre 2h30 et 3h30. Il n'y a pas de réelles difficultés au sens technique, sauf quelques passages enneigés de courte durée. La difficulté réside dans l'importance de la pente qui nécessite de la part des marcheurs une forme physique correcte, ce qui n'était pas mon cas. Le panorama alentour ne change pas. Des pierres, des pierres et, tient, encore des pierres ! Un monde minéral des plus austère, rapidement brûlant lorsque le soleil brille mais tout autant rapidement froid lorsque le vent s'engouffre pour passer au col d'Aussois.

Le chemin devient moins bien marqué. Des courageux ont construit quelques cairns comme repérage mais souvent le ruissellement de la pointe de Rosoire vient perturber la progression. Le sentier devient escalier et chaque pas vous transporte toujours plus haut. Alors que mes comparses sont déjà loins devant, mon organisme commence à lâcher. Le besoin de souffler se fait plus fréquent. Le cerveau commence à s'embrumer me rendant moins lucide. L'abandon est tentant surtout en levant la tête et en voyant que le sommet est toujours aussi haut. Je résiste à la tentation et je continue lentement.

Je pensais qu'une fois les passages enneigés traversés, cela deviendrait plus simple. Et non ! Les pierres sont remplacées par des rochers peu aisés à franchir surtout avec les muscles fatigués. C'est un goulet qui se présente pour accéder enfin au col d'Aussois. Le vent est froid, pour ne pas dire glacial. Une grande envie de dormir s'empare de moi tandis que les bouts de mes doigts se vident de leur sang. Je retrouve le reste de mes compagnons, repas avalé, n'attendant que moi pour monter quelques 150 mètres plus haut sur la pointe de l'Observatoire. Malade, nauséeux, c'est sans moi qu'ils iront sur la pointe. Je m'affale derrière un rocher pour m'abriter du vent et me réchauffer malgré l'absence du soleil.

C'est une énorme déception ; souffrir presque inutilement car je n'aurai rien vu de col d'Aussois. J'aurai pu vous parler du lac du Plan d'Amont que l'on voit au sud est, ou bien des sommets de la Maurienne, plein est, ou tout simplement du lac blanc du Polset. J'aurai pu aussi prendre des photos de tout cela et de la vue plongeante sur Pralognan la Vanoise. J'aurai pu m'approcher du chamois proche du col. J'aurai pu plein d'autres choses, mais en lieu et place, une forme inerte couverte de plusieurs couches de vêtements tente de reprendre des forces pour pouvoir redescendre, tout en se martelant "mais qu'allais-je faire dans cette galère ?". Heureusement que mon beau frère est là pour prendre les photos qui me permettront d'illustrer cette page et d'alimenter le diaporama. Sans lui, vous n'auriez eu que le début de la balade !

Si la montée a été difficile, la descente va aussi l'être ! Toujours nauséeux, nous reprenons le chemin du retour. Une partie de l'équipe, les infatigables, partiront vers le cirque du Génépy tandis qu'un autre m'accompagnera pour s'assurer que tout va bien et surtout pour éviter que je ne m'allonge pour piquer un somme. La descente se fait néanmoins sur un bon rythme et les 700 mètres de dénivelé sont vite derrière nous (durée d'environ 1h15 à 1h30). Les doigts après de longs picotements ont retrouvé leur couleur naturelle, les nausées ont disparu et l'appétit commence à se faire ressentir.

Me sentant mieux, je propose à mon ange gardien de continuer seul puisque je dois prendre mon repas. Le plus dur est passé, il ne restera plus qu'à descendre vers le parking du pont de la pêche. Le sandwich ne passera pas en totalité ; les nausées reviennent à la charge. Alors, hop, sac sur le dos et je reprends la descente vers la voiture que je retrouverai 1h après avec une furieuse envie de dormir.

Quelques jours se sont écoulés depuis cette péripétie et maintenant, j'ai un grand regret de n'avoir pu "assurer". Je ne regrette pas de l'avoir fait, c'est toujours bon de connaitre ses limites ou ses insuffisances mais quel gâchis de n'avoir pu profiter du panorama. Alors, en guise de conclusion, je dirai que tout de même le panorama proposé ne vaut pas la difficulté et qu'il ya d'autres sorties plus intéressantes... mais je vous laisse vous faire votre propre opinion ! Sachez juste que vous devez être en pleine forme et qu'il faut être un marcheur aguerri pour monter au col d'Aussois.